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LADY LUDLOW.

la fois la trisaïeule de ma mère et celle de lady Ludlow. C’est pourquoi lorsque mon père vint à mourir, laissant neuf orphelins sans fortune, lady Ludlow adressa, en réponse au cri de désespoir de la veuve, l’offre de venir à son secours pour élever sa famille. Je vois encore la lettre de milady : une grande feuille de papier jaune, épais et raboteux, avec une marge bien alignée, une belle écriture ronde qui, en dépit de sa grosseur, faisait tenir plus de mots dans le même carré de papier que les pattes de mouches imperceptibles des jeunes filles de nos jours. Le cachet portait un écusson en losange, car milady était veuve ; ma mère nous en fit remarquer la devise : « Foy et Loy, » et nous montra les armes d’Hanbury, dont celles des Ludlow étaient écartelées. J’imagine qu’elle redoutait le contenu de cette lettre et qu’elle se donnait un prétexte pour en retarder la lecture. Dans sa sollicitude pour nous, elle avait écrit à une foule de personnes afin de réclamer leur protection ; et la froideur, la dureté des réponses qu’elle avait reçues lui avaient fait verser bien des larmes.

Je ne crois pas qu’elle eût jamais vu lady Ludlow ; quant à moi, tout ce que je savais de milady, c’est qu’elle appartenait à la haute aristocratie, et que son arrière-grand’mère avait été la sœur consanguine de notre trisaïeule du côté maternel. Je regardai par-dessus l’épaule de ma mère, et je vis que la lettre débutait par ces mots : « Bien chère cousine. » Il me sembla qu’oh pouvait espérer, du moment qu’elle employait ces paroles ; la suite de la lettre prouva que j’avais raison.

« Bien chère cousine, disait donc lady Ludlow, j’ai appris avec beaucoup de chagrin la perte que vous avez faite par la mort d’un aussi bon mari, d’un ecclésiastique aussi parfait que l’a toujours été mon cousin Richard Dawson. »