Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
AUTOUR DU SOFA.

Quant à miss Galindo, elle était entièrement convertie aux idées de M. Gray.

« Vous savez, disait-elle à milady, que je n’ai jamais passé pour être très-forte en matière de raisonnement ; je n’ai donc pas la prétention d’avoir été convaincue par la logique de M. Gray. Il y a d’abord à cela un excellent motif, puisqu’il ne parlait pas ; le docteur l’avait positivement défendu ; et je ne l’aurais pas souffert, en supposant qu’il en ait eu la force. Mais quand je vois un homme, à toute extrémité, s’oublier sans cesse pour ne penser qu’aux autres, être patient et modeste — beaucoup trop, je vous assure ; — ne l’ai-je pas entendu s’accuser de négligence et de tiédeur ! »

Miss Galindo faisait d’horribles grimaces pour retenir ses larmes, et tortillait ses yeux d’une façon qui m’aurait bien divertie s’il n’avait pas été question de M. Gray.

« Quand donc, poursuivit-elle, je vois quelqu’un d’aussi généreux, d’aussi parfait que cet excellent jeune homme, je viens à penser qu’il est dans la bonne voie, et que je ne peux pas mieux faire que de saisir le pan de son habit, de fermer les yeux et de le suivre jusqu’au bout. D’où il résulte que Votre Seigneurie devra me pardonner si je prends fait et cause pour l’école du dimanche, et si je vais encore plus loin, à cet égard, que ce pauvre M. Gray lui-même, attendu que je suis d’une forte constitution comparativement à la sienne, et que j’ai une puissance de langage qu’il est naturel d’employer. J’en préviens Votre Seigneurie, par respect pour le rang qu’elle occupe, et surtout à cause de la bienveillance qu’elle me témoigne depuis si longtemps, bienveillance qui lui donne le droit de savoir la première tout ce qui a rapport à ma personne. Il ne serait point exact de dire que j’ai changé d’opinion, car je ne vois pas plus aujourd’hui qu’autrefois le bien qu’on peut attendre de l’enseignement de l’abécédaire ; mais