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LADY LUDLOW.

Il est probable qu’Henry avait reçu à cet égard une réprimande aussi verte que brève, car notre vieux régisseur était dur, même avec les personnes qui lui étaient les plus chères ; mais quelques paroles plus ou moins aigres ne pouvaient diminuer l’affection du gamin, et j’ai entendu dire que le jour même de cette rebuffade, Henry accompagnait M. Horner dans les champs, suivant son habitude ; le régisseur ne paraissait pas remarquer sa présence, dont toutefois la privation lui eût été fort pénible. Il en était toujours ainsi ; jamais M. Horner n’avait prié Henry de le suivre et ne lui avait dit qu’il fût content de l’avoir sur les talons, toujours prêt au moindre signal à partir comme une flèche pour s’acquitter des messages qui lui étaient confiés. Jamais il n’avait demandé où l’enfant pouvait être, quand par hasard le père Gregsone avait besoin de son fils, ou qu’une circonstance imprévue empêchait le gamin de se trouver à son poste ; mais les fermiers et les travailleurs prétendaient que ces jours-là M. Horner était impossible à contenter, que rien ne lui échappait, et que la moindre faute le mettait en fureur, tandis que l’on était sûr de son indulgence, lorsqu’on voyait l’enfant trottiner derrière lui.

C’était du moins ce que disait miss Galindo, la seule personne qui me tînt au courant des nouvelles du village, et c’est elle qui m’apprit les détails de l’accident du pauvre Henry.

« Vous savez, ma chère, me dit la vieille fille, que ce petit braconnier s’est épris d’un fol amour pour mon patron (c’est ainsi qu’elle appelait le régisseur depuis qu’elle lui servait de commis). La chose est vraiment inexplicable ; j’aurais vingt cœurs à perdre qu’il ne me viendrait jamais à la pensée d’en donner la plus petite part à ce bourru taciturne et sévère ; mais tous les goûts sont dans la nature, et ce fils de chaudronnier ambulant s’est fait