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LADY LUDLOW.

les défauts de ces malheureux enfants. Il en est toujours ainsi lorsque notre santé n’est pas bonne. Vous vous donnez beaucoup de peine, vous travaillez trop ; et c’est l’excès de fatigue qui, en vous faisant souffrir, vous porte à nous voir tous plus mauvais que nous ne le sommes. »

Milady souriait avec bonté en regardant le jeune prêtre, qui cherchait à reprendre haleine ; elle avait oublié, j’en suis sûre, tous ses griefs contre lui, toute sa mauvaise humeur au sujet des rapports qu’elle entendait chaque jour. Il était, en effet, bien difficile de ne pas se laisser attendrir par cette figure si délicate et si jeune, où se peignaient tant de soucis et d’angoisses.

« Que faut-il faire, milady ? reprit-il aussitôt qu’il eut recouvré la parole, et avec un tel accent de franchise et d’humilité qu’il était impossible de ne pas en être ému. Le mal que je vois en ce monde est un fardeau qui m’accable. Ce que je fais est si peu de chose ! moins que rien, puisque c’est inutile ; ce n’est qu’aujourd’hui… »

L’agitation où il se trouvait ramena une quinte de toux.

« Mon cher monsieur (je n’aurais jamais cru que milady fût capable d’appeler M. Gray mon cher), écoutez la voix d’une vieille femme qui s’intéresse à vous, soyez-en convaincu ; vous n’avez pas autre chose à faire, pour le moment, que de soigner votre santé ; prenez du repos, voyez le docteur ; et quand vous serez rétabli, vous comprendrez que le mal est moins grand que vous ne l’aviez cru d’abord.

— Me reposer, milady ! c’est impossible. Le mal, vous n’en voulez rien croire ; mais enfin le mal existe, et j’en souffre plus que je ne peux vous l’exprimer. Je n’ai pas même un endroit où je puisse réunir les enfants pour leur ensei-