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AUTOUR DU SOFA.

de cette roue splendide, et qui se trouvait bien récompensée par la surprise et l’admiration qu’excitait cette merveille. Mais depuis l’attaque de paralysie qu’avait eue mistress Horner, il n’y avait plus de gala chez l’intendant, et miss Galindo, complètement libre de sa soirée, écrivit à milady pour lui dire combien elle serait heureuse d’avoir l’honneur de répondre à l’aimable invitation qui lui était faite.

Comme je ne quittais plus ma chaise longue, ce ne fut qu’après le souper, lorsque milady rentra dans son cabinet, que je vis miss Galindo. Elle avait certainement sa plus belle robe ; mais la façon et l’étoffe en étaient si anciennes que je ne n’ai jamais vu la pareille, excepté dans de vieux portraits. Son tablier de mousseline, délicatement brodé, était mis un peu de travers, afin, nous disait-elle, de cacher un endroit de sa jupe où la couleur avait été emportée par du jus de citron. « Lorsque mon père vivait, poursuivit miss Galindo, je prenais toujours son bras droit, et j’avais l’habitude de placer à gauche le lé de ma robe qui par hasard avait une tache, ou qui était plus passé que les autres ; c’est à cela qu’un homme est bon ; et n’ayant pas cette ressource, les veuves et les vieilles filles sont obligées de faire comme elles peuvent. Après tout, chaque position a ses dédommagements ; n’oubliez pas, dit-elle en s’adressant à moi, n’oubliez pas, ma chère, lorsque vous récapitulerez les avantages de votre triste sort, de mettre en ligne de compte le peu de bas que vous aurez à ravauder, ce qui est bien quelque chose ; j’aimerais mieux en tricoter deux paires que d’en raccommoder une.

— Avez-vous fait ces jours derniers quelques-uns de vos admirables tricots ? demanda milady, qui, son ouvrage à la main, cherchait une occasion d’entamer son affaire.

— Hélas ! non, répondit la vieille fille ; je suis sans