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LADY LUDLOW.

finesse dont vous n’avez pas d’idée, et qui ravissaient milady.

Or, les plus délicats de ces ouvrages étaient dus à miss Galindo ; et Sa Seigneurie le savait bien. Il est vrai que les patrons de la vieille fille étaient d’une coupe tellement surannée, qu’en dépit de la perfection de leurs coutures, les bonnets et les camisoles, dont elle avait acheté l’étoffe à crédit, et dont la confection lui avait usé la vue, restaient des mois entiers dans un tas d’articles jaunis et rebutés des acheteurs. C’est alors que miss Galindo était plus amusante que jamais, plus féconde en saillies pleines de gaieté. Arrivait-il, au contraire, une commande importante, et bien payée, faite à X (c’était l’initiale qu’elle avait prise), la chère demoiselle se remettait sur sa chaise et gourmandait sa servante tout en poussant l’aiguille.

« Quand les affaires vont mal, disait-elle pour justifier sa conduite, on ne vivrait pas si l’on ne s’égayait l’âme par un peu de bonne humeur ; mais quand il faut travailler du matin jusqu’au soir, on a besoin de se fouetter le sang pour ne pas mourir d’apoplexie ; et ne pouvant faire autre chose, je me querelle avec Sally. »

Du dehors, miss Galindo n’était pas populaire ; toutefois, on l’eût bien regrettée dans le village si elle en fût partie ; mais elle faisait trop de questions indiscrètes, pour ne pas dire impertinentes, au sujet de l’économie domestique de ses voisins ; et si pauvre qu’on soit, on aime à dépenser son argent à sa guise. Il lui arrivait trop souvent d’ouvrir les armoires et d’y trouver les folies d’un chacun ; d’interroger les ménagères d’une façon trop pressante sur la quantité de beurre qu’elles usaient par semaine, et d’abuser du droit de réprimande qu’elle avait pris je ne sais où. Si bien qu’un jour elle reçut une rebuffade dont peut-être vous vous seriez fâché, mais qui