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LADY LUDLOW.

soupir ; que jamais il ne lui aurait reparlé de son amour, sachant bien qu’il n’était pas digne d’elle ; et qu’il n’avait eu d’autre motif que de lui être utile en accourant d’Angleterre pour chercher à la sauver. Puis le délire s’était emparé du malade, et Jacques n’avait rien compris aux expressions de petit-maître, d’homme honorant l’humanité, qui revenaient sans cesse aux lèvres du marquis.

Le jour pénétra lentement dans la salle basse où étaient les prisonniers ; chacun dormait encore, Jacques n’osait pas bouger dans la crainte de réveiller Clément, qui s’était rendormi ; le sommeil le gagnait lui-même, en dépit de ses efforts, et il allait céder à ce besoin irrésistible, quand un bruit de voix se fit entendre à l’extérieur ; le tumulte dura quelques instants ; puis le geôlier ouvrit la porte et la referma derrière une femme qui venait d’entrer dans la salle. Celle-ci resta immobile, comme une personne que l’ombre aveugle, en sortant d’un endroit éclairé par le soleil ; mais Jacques ne pensait plus à dormir ; il avait reconnu Mlle de Courcy, et lisait dans le regard ferme et brillant de la jeune fille que son maître ne mourrait pas dans l’abandon.

« Le voilà, » murmura-t-il, quand elle passa près d’eux. Car elle ne voyait pas Clément tant la pièce était sombre.

Virginie s’assit à côté du jardinier, substitua ses bras à ceux du vieillard, et la tête de son cousin reposa sur son épaule. Jacques pouvait maintenant dormir sans crainte ; toutefois, avant de s’abandonner au sommeil, il vit son maître ouvrir les yeux, regarder Virginie en silence et refermer lentement les paupières, soit qu’il n’eût pas reconnu la jeune fille, soit que pour lui la réalité ne fît que prolonger la vision qu’il avait eue en rêve. Mais lorsque Jacques se réveilla, ils se regardaient tous deux en souriant, et se faisaient mille questions qu’ils échangeaient à