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AUTOUR DU SOFA.

trouvé, l’enveloppa de mousse et rattacha le bouquet avec le plus grand soin. Virginie devint écarlate en recevant cette botte d’œillets fanés ; elle la respira en tremblant, et n’osa pas la défaire, malgré les conseils du gamin, qui insistait pour qu’elle mît ses fleurs dans l’eau ; Pierre fit semblant de partir, puis, se retournant tout à coup, il vit le bouquet dénoué et la jeune fille qui, tout émue, cachait un papier dans son corsage.

Cette fois il se hâta de sortir, afin d’aller trouver Morin et de lui transmettre le contenu du billet. Ce petit Gregsone a quelque chose du regard de pie de ce malheureux petit Pierre ; j’en ai frémi en l’entendant répéter mot à mot la lettre qui m’était adressée. Morin pria l’enfant de lui dire une seconde fois les paroles qu’il avait lues ; puis, craignant de les oublier, car il était dans un trouble excessif, il essaya de les écrire, ne put en venir à bout, soit qu’il tremblât trop fort, soit qu’il fût malhabile ; tant il y a, que c’est encore ce petit Pierre, avec sa maudite instruction, qui transcrivit sur le carnet de son cousin le billet du pauvre Clément. La chose faite, Jean Morin tomba dans un morne silence, au grand déplaisir du fils de la concierge, qui espérait une nouvelle scène de fureur passionnée. Il fallut que le gamin adressât plusieurs questions à l’amoureux pour en tirer quelques paroles ; et celles qu’il finit par obtenir furent si loin de répondre à sa pensée qu’il trembla que son cousin n’eût perdu la raison.

« Ma tante n’a plus de café, dit tout à coup Morin fils.

— Je ne sais pas, répliqua l’enfant.

— J’en suis sûr, reprit le jeune homme. Va lui dire qu’elle vienne me trouver, d’ici à une heure, chez un épicier de la rue Saint-Antoine no 150, au Bonnet de Liberté ; c’est un de mes amis qui tient la boutique ; il a du café excellent, et je ferai la provision de ta mère.