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AUTOUR DU SOFA.

tante, et à concevoir des espérances qui lui parurent de plus en plus fondées. Un jour viendrait, pensait-il, où, réduite à la dernière misère, la pauvre abandonnée verrait en lui un consolateur, un soutien, et il serait alors le plus heureux des hommes.

En attendant, Jean Morin eut pour Mme Babette, qu’il méprisait autrefois, des bontés et des prévenances qui touchèrent la pauvre femme ; il tenait ses comptes, lui apportait de petits présents, et s’attacha surtout à gagner les bonnes grâces de Pierre Babette, qui pouvait lui apprendre tout ce que faisait mam’selle Canne, ainsi qu’il appelait la jeune comtesse. Pierre devina sans peine quel était le motif des questions de son cousin, et mit au service de celui-ci toute la ruse de sa précoce intelligence.

Il fut assez difficile à Clément de découvrir l’endroit exact où sa cousine était cachée ; il est même probable qu’il n’y serait pas parvenu, si le jardinier qui l’hébergeait ne s’en était pas mêlé. Jacques, c’était le nom de ce brave homme, connaissait Mme Babette depuis longtemps, et pouvait aller la voir, causer avec elle, et finir par apprendre ce qu’était devenue la fille du comte. Mme Babette accueillit le jardinier comme une ancienne connaissance ; toutefois il fallut que Jacques se plaignît de son rhumatisme pour qu’elle consentît à le faire entrer, car elle l’avait reçu d’abord sous la porte cochère, et ce ne fut qu’après s’être assurée qu’il n’y avait personne dans sa loge qu’elle l’introduisit chez elle. À peine le jardinier était-il assis, qu’une jeune femme élancée, aux joues pâles, aux grands yeux pleins de tristesse, ouvrit la porte qui communiquait avec une pièce voisine et la referma aussitôt. « C’est Mlle Canne, » s’empressa de dire la portière. Jacques ne pouvait s’y méprendre ; il continua de jaser pendant quelques minutes, et vint rapporter au marquis le résultat de sa démarche.