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LADY LUDLOW.

j’ai la conviction qu’un de ces jours, nous verrons arriver notre fugitif, accompagné de sa cousine. »

Il fallut enfin aller trouver la marquise ; depuis quelques jours, elle ne mettait plus de rouge et n’affichait plus l’indifférence qu’elle avait montrée jusqu’alors. Elle resta silencieuse pendant quelques minutes, puis elle proféra le nom de son fils en se couvrant la bouche de son mouchoir, pour que je ne visse pas trembler ses lèvres.

« Nous n’avons pas eu de nouvelles depuis la lettre où il nous racontait son heureuse traversée, lui répondis-je aussi gaiement que possible ; il avait débarqué sans encombre ; tout allait à merveille ; milord ne s’est jamais attendu à recevoir d’autre lettre ; il est persuadé que nous reverrons bientôt Clément, et que celui-ci veut nous surprendre. » Je ne le croyais pas, mais après tout, c’était possible ; d’ailleurs, je n’avais pas autre chose à dire ; c’eût été une impertinence que de témoigner de la pitié à une personne qui faisait autant d’efforts pour cacher son désespoir. Elle ne me répondit pas, sachant combien j’avais moi-même peu de foi en mes paroles ; et je fus trop heureuse lorsque mistress Medlicott, en apportant le déjeuner, me fournit le moyen de sortir.

Cette conversation m’avait rendue plus inquiète, plus impatiente que jamais. La pauvre mère ne quittait plus son lit, non pas qu’elle fût malade, mais parce qu’elle n’avait pas le courage de s’habiller ; elle avait perdu l’appétit et se serait volontiers laissé mourir de faim, si Medlicott ne lui avait fait prendre une nourriture qu’elle acceptait sans rien dire, pour ne pas avoir à lutter contre les insistances de cette excellente femme.

C’est ainsi que nous vivions ; je n’osais plus compter les jours, je perdais la notion du temps, les mois passaient avec une lenteur désespérante. La marquise, à force d’écouter les moindres bruits qui se produisaient dans la