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se regarder sans que leurs yeux parlassent d’amour. Cette amitié passionnée, maîtresse d’elle-même, devint quelque chose de cruel et d’exquis.

Ce jour-là était un clair dimanche de printemps ; la vieille chaussée avait une sérénité tiède et tendre, avec un parfum de fleurs. La physionomie du quartier était nouvelle : des branchages s’accrochaient aux façades, à la hauteur du cordon des rez-de-chaussée ; vers dix heures, les pavés furent poudrés de sable blanc, semés de carrés de papier multicolore et de pétales ; ça et là, à des croisées, des cierges s’allumèrent, dans des candélabres d’argent, posés sur des nappes éclatantes.

Quand la procession passa, Rose accorda peu d’attention aux demoiselles portant des bannières, promenant, sous un dais, la Vierge Marie, dont le manteau était aussi bleu que le ciel, aux notables des confréries, aux « grosses légumes » de la paroisse, bredouillant des prières latines, un cierge à flamme jaune et vacillante au poing, parmi les affadissantes mazurkas des corps de musique.

Mais Rose s’attendrit au passage des fillettes coiffées en crolles, déjà coquettes, béates et fines sous leur voile d’épousées, cherchant de l’œil, dans la foule, des parents ou des amis ; des garçonnets gauches et gentils dans leur costume de première