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Tous les jours, Charles et Rose venaient le voir ; il réclamait leur visite, aimait à parler de tout ce qui se passait hors de cette chambre si bien close ; jamais il n’avait lu autant de journaux ; il était avide de tout ce qui est manifestation de la vie ; les faits divers les plus humbles l’intéressaient ; il était content quand on lui racontait des histoires ; c’était en lui comme un besoin de se mêler aux agissements des autres hommes, des hommes vigoureux de corps et d’esprit, de prendre sa part infime dans l’activité universelle, de jouer un rôle dans son coin ignoré, de se faire une petite place sur la scène, afin de se sentir toujours de ce monde.

Charles s’attendrissait au spectacle du dévouement de Cécile ; il admirait qu’elle aimât ainsi Julien ; il s’émerveillait de voir comment deux cœurs, sous la pression de la vie, se mêlent et s’unissent et comment l’approche du Néant fait plus intime leur union. Il comprenait aussi que Cécile était payée par la récompense noble que la Charité porte en soi, par le bien-être moral, par la jouissance sereine que donne à notre conscience l’accomplissement d’une tâche humble et belle. Oh ! aimer ! dépenser son cœur, épandre autour de soi de la bonté, s’évader de l’être égoïste, vivre par et pour ceux qui nous sont chers ! Ah ! l’Amour, quelle conception claire et haute il en