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CHAPITRE VIII


L’hiver s’écoulait triste, long, morne. Rose, abandonnée, ne s’éplorait pas en gestes ou en lamentations ; il y avait en elle une sorte d’hébétude, la résignation consternée d’un animal qui a été maltraité et battu sans savoir pourquoi il l’a été et qui, désormais craintif pour toujours, cherche à tenir le moins de place possible, dans l’espoir qu’il ne gênera personne et qu’on oubliera de le persécuter.

Elle était pénétrée de confusion ; il lui semblait que de la faute d’Odon, elle devait porter la moitié du faix. Même vis-à-vis d’Adla-Hitt, elle se sentait diminuée, mal à l’aise, comme si elle eût été coupable. Elle usait les heures et les jours au perpétuel recommencement des besognes usagères, accomplies avec une régularité d’automate. Elle évitait de penser et surtout de se souvenir. Elle s’efforçait de considérer toutes choses avec des yeux indifférents, de tuer en elle son originelle émotivité, afin que, puisqu’aussi bien elle n’était plus désireuse de trouver des moments de joie, le brusque assaut des chagrins embusqués sur sa route la trouvât aussi moins vulnérable.