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tresses nombreuses qui avaient jalonné sa vie, une opinion sédimentaire typique. Il voyait dans les femmes des êtres de lutte, armés de charme, d’adresse et de ruse, rarement désintéressés dans leurs affections. Il avait bien entendu parler de femmes jolies, sages et désirables, filant le lin dans l’encoignure du foyer, mais il n’en connaissait point ; sans doute habitent-elles de lointaines provinces, à l’abri du siècle. C’est pourquoi Rose, avec sa belle santé physique et morale, lui apparaissait, malgré ses côtés peuple, exceptionnelle et requérante. Il prenait plaisir à l’évoquer savourant la paisible joie d’une vie d’équilibre, le soir, derrière le comptoir, attendant la rare clientèle attardée, s’appliquant à de délicats ouvrages de fil, dans le magasin silencieux, où, seuls, les Auer de la vitrine brûlaient encore, tandis que l’homme — och cotte ! puisqu’il aimait ça… — abattait des cartes à la Boule Plate. Charles constatait qu’elle mettait son simple bonheur dans le devoir accompli, et que, pour le défendre, ce bonheur, elle était prête même à la souffrance, faisant tenir tout son code de morale dans cette formule aussi lapidaire que marollienne : « Quand s’ qu’on est prop’ avec soi-même, c’est le principal… »

Eh bien, oui ! il devait exister de par le monde, dans des milieux de lui ignorés, d’autres femmes