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Les versions arabe, syriaque et persane se rapportent à cette traduction de l’original grec.

Les docteurs scolastiques et les jurisconsultes, pour mettre l’Évangile d’accord avec Aristote, ont lu le passage de la seconde manière et traduit depuis le douzième siècle : Mutum date nihil inde sperantes : Prêtez-vous mutuellement sans rien en espérer. Mais les Pères de l’Église ne se sont pas servis de cet argument contre l’usure.

Que l’on traduise d’une façon ou de l’autre, le commencement du précepte est ainsi formulé : Verum tamen diligite inimicos vestros, benefacite, puis : Mutuum date, etc.

V. Discussion sur l’usure par l’abbé Mastrolini, trad. de l’italien sur la 4e édition, par M. C. Lyon, Guyot, 1834, in-8.

À ce passage tant controversé on peut du reste opposer celui où le serviteur qui a enfoui dans la terre l’argent de son maître, est réprimandé par celui-ci qui n’est autre que Dieu : « Tu devais confier mon argent aux banquiers et à mon retour j’aurais reçu ce qui m’appartient avec les intérêts « cum usuris » (Saint Luc, chap. xix. V. aussi saint Mathieu, chap. v, vers. 12.)

Les Pères de l’Église cités, p. 532 et autres assimilaient le prêt à intérêt à l’idolâtrie et surtout au vol, au parricide même ; ils invoquaient en conséquence contre lui le précepte du Décalogue : « Le bien d’autrui, » etc. On a relevé en France contre ce crime jusqu’à douze cents décisions canoniques : plusieurs prononçaient l’excommunication, le refus de sépulture, etc., et obligeaient les enfants et les héritiers des usuriers à restitution. Les assemblées du clergé de 1657, 1682, 1700 défendaient « comme contraire à l’Évangile, au catholicisme, au droit naturel et divin, comme hérésie et péché mortel, de retirer aucun intérêt du prêt. » Au milieu du dix-huitième siècle, le pape Benoît XIV proclamait a doctrine constante de l’Église et établissait que le contrat du prêt demande seulement qu’on rende « autant qu’on a reçu. « Ç’a toujours été, disait-il, et c’est la doctrine de l’Église catholique, établie sur l’accord unanime des Pères et des théologiens, que tout profit tiré du prêt est usuraire et défendu par le droit naturel, divin et ecclésiastique. »

En 1808, Pie VII renvoyait encore à l’encyclique de Benoît XIV ; et ce n’est que le 18 août 1830, qu’un décret de la sacrée Pénitencerie est venue dire sans trancher la question, « qu’on ne doit point inquiéter les pénitents qui ont prêté des capitaux et perçu des intérêts sur simple prêt, ni ceux qui croient que la loi civile est un titre extrinsèque favorable au prêt. »

En 1806, Napoléon Ier convoqua une assemblée de députés élus par les israélites de la France et d’Italie, pour savoir à quoi s’en tenir sur la doctrine de la Bible au sujet de l’usure. Cette assemblée qui se réunit le 30 mai 1806 et prit le nom de grand sanhédrin, déclara que les versets 19 et 20 du chap. xxiii du Deutéronome, défendant le prêt à intérêt n’avaient point été bien interprétés ; que la loi de Moïse n’ayant pas fixé de