en moralité, amène une diminution relative de peine et une quantité croissante de récompenses.
Or, c’est précisément ce que prouve l’histoire de l’industrie. De nos jours, un ouvrier produit trente fois plus de fer dans sa journée qu’il y a un siècle ; un ouvrier dans un moulin à vapeur produit cent cinquante fois plus de farine qu’un esclave du temps d’Ulysse.
Quant à la progression indéfinie des besoins, elle est la conséquence de l’augmentation du travail, de la force de l’habitude et du sentiment de dignité qui s’accroît et se fortifie dans l’homme. — L’ouvrier anglais, qui est un des meilleurs travailleurs, consomme cent fois plus de toutes choses que le lazzarone napolitain. — L’habitude est une seconde nature ; aussi, dès qu’un besoin est satisfait, il recommence ; et en outre, d’autres désirs, d’autres goûts, d’autres besoins surviennent, engendrés par cette première satisfaction. A peine l’homme est-il abrité et vêtu, qu’il veut décorer sa demeure, embellir sa personne. A peine a-t-il satisfait les besoins physiques du corps, que l’industrie, les arts, les sciences, ouvrent un champ sans limite à ses désirs et ceux de sa famille.
Les besoins, loin d’être une quantité fixe et limitée, sont donc essentiellement progressifs et indéfinis ; ils varient avec les mœurs et les usages des nations ; ils changent encore avec l’âge, les goûts, les passions des individus.
La sagesse ne consiste pas à se priver d’une manière absolue, mais à satisfaire ses besoins dans les limites de ce qu’on gagne et de ce qu’une sage prévoyance commande de réserver, soit pour l’avenir, soit pour s’aider dans la profession qu’on exerce, c’est-à-dire pour former des approvisionnements ou des instruments de travail dont il sera parlé plus loin.
C’est à la Morale, à l’hygiène, à l’expérience de la vie, à la Raison en un mot, que les hommes, selon leur condition, doivent demander les limites dans lesquelles leurs besoins peuvent être satisfaits[1]. Mais l’économie politique éclaire ces bonnes conseillères sur les avantages que chaque homme a à les satisfaire aussi sagement que possible ; en disant sagement, nous disons profitablement. Toutefois l’économiste commence son rôle d’observateur dès que les hommes font un effort pour satisfaire ces besoins dans une proportion quel-
- ↑ Voy. les développements, au chap. xxxv, sur les Consommations privées.
