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des intérêts, c’est-à-dire que « sa mission consiste : 1° à étudier et décrire, — afin de pouvoir découvrir et exposer les lois dont il s’agit, — les phénomènes de la production, de la distribution et de la consommation des richesses, en se tenant aux caractères les plus généraux de ces phénomènes, et sans entrer, par exemple, dans le détail des points techniques des diverses productions ; 2° à signaler dans les institutions, les mœurs, les opinions, les tendances des populations, tout ce qui est de nature à exercer sur ces phénomènes une influence considérable, à servir ou à nuire à la fécondité de la production, à l’équité de la répartition, aux sages et prévoyantes directions de la consommation[1]. »

Quelque formule de définition que l’on préfère, il faut comprendre avec l’idée de Richesse, celle de Travail, d’Organisation sociale, de Justice, de Bien-être et de Moralité qui en découle. Ce but et cette tâche ont été nettement entrevus, dès le début de la science, par les premiers économistes français du xviiie siècle, et par Adam Smith ; ils ont été poursuivis par leurs successeurs[2].

§ II. Des Besoins physiques, intellectuels et moraux des Hommes.

4. Comme le corps humain est, par nature, obligé de se nourrir, comme il est sensible à l’action des corps extérieurs et aux émotions de l’âme, l’homme serait bientôt désorganisé et détruit, si les soins de sa conservation ne le préoccupaient sans cesse. Averti par la souffrance, il s’ingénie pour démêler dans la nature les choses qui peuvent le conserver ou lui nuire, il fait des efforts de travail et de prévoyance pour s’appliquer les unes, pour se garantir des autres, pour obtenir et conserver ce qui lui est utile.

Il trouve et il crée des êtres semblables à lui, ayant les mêmes besoins, engageant la même lutte avec la nature. De là naissent le

  1. A. Clément, Essai de science sociale, 1867, I, p. 65.
  2. C’est à tort que deux écrivains contemporains, MM. Carey et Bastiat, leur ont fait le reproche d’avoir eu presque une pensée contraire, le premier dans ses divers écrits, le second dans ses Harmonies économiques (1850). Bastiat a parlé de l’harmonie des lois économiques avec un certain charme ; il a quelquefois mieux dit, mais n’a pas dit autrement que ses maîtres. La théorie de l’harmonie générale et la solidarité des intérêts se retrouvent dans tous les ouvrages des économistes ; toutefois, il y a, nous le verrons, des intérêts entre lesquels il existe un antagonisme qui est dans la nature des choses. (Voy. une note finale.)