était si extraordinaire, que nous ne savions que penser.
— Ah ! s’écria Robert d’une voix stridente, cette main a assassiné des Français. Eh bien ! je veux qu’elle ne fasse plus peur, même à un enfant !
En effet, prodige inouï de force, la main du Breton avait serré celle du nègre avec une telle violence, que le sang jaillissait des doigts.
— Grâce ! grâce ! s’écria-t-il en tombant sur ses genoux, je suis vaincu !
Mais Robert, insensible à cette prière, ne lâcha la main qu’il broyait que quand le nègre tomba, et nous vîmes cette main inerte, sanglante, écrasée : spectacle hideux que nous saluâmes du cri frénétique de : vive la France ! J’étais fou de joie.
— À présent, dit Robert, rien n’empêche le moricaud de taper de la main gauche.
Le capitaine s’avança froidement et dit à son domestique :
— Êtes-vous prêt ?
Le nègre souffrait de si atroces douleurs qu’il ne put que faire un signe négatif.
— Renoncez-vous au combat ? continua le capitaine avec le même flegme et le même sérieux.
— Oui.
— Alors je déclare que vous êtes vaincu. Monsieur Robert, ajouta-t-il avec politesse, voici les vingt livres promises.
Robert fit un geste de refus, mais il se ravisa bientôt.
— Je serais bien bête, dit-il, en les prenant. D’abord nous en aurons besoin, et puis, autant de pris sur l’ennemi !
Voilà l’homme avec lequel j’allais m’évader. À cet échantillon vous jugez, si j’étais bien partagé. Pauvre Robert ! s’il m’avait écouté !… Mais je reviens à notre évasion.
L’argent ne nous faisant plus défaut, il fut convenu que nous nous évaderions la nuit même. Nos geôliers étaient si occupés du