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six semaines dans un phare.

vivants soutenaient le capitaine. L’Hermite avait voulu être debout pour recevoir l’officier anglais. Celui-ci s’avança plus pâle, plus ému que nous et s’inclina avec respect et avec admiration devant L’Hermite.

— Capitaine, lui dit-il, je viens me mettre à vos ordres.

— Mes ordres, dit en souriant l’Hermite. Je désire que les corps de mes officiers soient ensevelis dans nos couleurs nationales et qu’on incendie la frégate.

— Ce sera fait.

Et L’Hermite descendit dans le cutter anglais. Il jeta un dernier regard à la Preneuse et, sans montrer son émotion, car des yeux ennemis le regardaient, il fit signe à l’officier qu’il était prêt.

Le lendemain notre bon et brave capitaine était rendu à la liberté, nous, nous voguions vers l’Angleterre où les pontons nous attendaient.

Cette fois le père Chasse-Marée ne put pas continuer, c’était Paul qui se trouvait mal.

L’émotion causée par ce récit qui perd à la lecture ce qu’il gagnait à être entendu débité par le père Chasse-Marée fut profonde ; elle atteignait surtout, tous les marins de l’État ; ainsi que le capitaine qui avait connu L’Hermite et combattu à côté de Surcouf, et Paul qui se rappelait son père. L’évanouissement du jeune homme ne dura pas longtemps. Malgré les prières de son oncle qui voulait qu’on le laissât dormir, il fallut que Chasse-Marée continuât son récit.

Sur un signe du capitaine, Chasse-Marée reprit la parole, mais il devait éviter tout nouveau récit de guerre pour laisser un peu de repos à l’imagination de Paul déjà trop surexcitée.

— Ma captivité serait bien longue à vous raconter. Je ne veux vous en faire toucher que les points principaux. D’abord, il faut que vous sachiez, ce qu’était un ponton anglais. Figurez-vous un vieux et noir vaisseau démâté, à l’ancre au milieu d’une baie, à