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six semaines dans un phare.

à-dire le repos et le salut ! Cela dura jusqu’au 30 octobre, dernier jour de notre croisière.

Quand on nous annonça cette nouvelle, les transports de joie éclatèrent de toutes parts ; les mourants se croyaient convalescents, les malades guéris. Et pourtant notre retour fut long et pénible. Chaleur étouffante, calme plat continuel. Manque d’eau et privation de nourriture.

Ce ne fut que le 10 décembre à la tombée de la nuit, que nous vîmes éclore à l’horizon, entre nous et le soleil couchant, la silhouette bleuâtre de l’Île-de-France, terre promise que nous devions voir sans la toucher.

Une fois la situation de la frégate bien connue, on orienta la voilure de manière à pouvoir entrer dans le grand port le lendemain matin, si la colonie se trouvait bloquée. La nuit fut paisible, nos vigies s’assurèrent qu’aucun signal de danger n’était fait. Au sommet du Morne on n’apercevait que des feux isolés et tremblants, ceux des habitations des colons et des planteurs.

Le 11, au matin, la Preneuse hissa son numéro pour se faire reconnaître. Les vigies des montagnes apprenaient au gouverneur notre arrivée et notre position, et, à dix heures, le vent du large ayant remplacé la brise de terre, nous voguions bon frais vers la capitale des îles, quand soudain deux voiles masquées jusqu’alors par la côte apparurent à nos yeux. Le doute n’est plus possible, ce sont deux vaisseaux anglais. Cette apparition nous a frappés comme un coup de foudre, quand on a vu ces deux vaisseaux pincer le vent dans l’intention de nous couper le chemin.

— Avez-vous peur, enfants ? dit L’Hermite. Nous allons tâcher de leur échapper, mais si vous préférez la gloire d’un combat inégal, vous serez satisfait, car je doute que nous puissions entrer au port sans combattre. Lieutenant, faites gouverner entre le Coin de mire et la côte, afin que nous puissions entrer dans le