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six semaines dans un phare.

nuages éclaira la mer, le capitaine montra à ses officiers le vaisseau ennemi qui nous chassait encore dans notre fausse route.

Le capitaine n’eut plus à s’inquiéter de la manœuvre, il fit reposer tout l’équipage et resta seul sur le pont avec le premier lieutenant.

Ce qu’ils se dirent, je me le rappelle, car j’étais placé en surveillance aux drisses, et leur voix montait jusqu’à moi, la tempête s’était apaisée, et les premières lueurs de l’aube nous annonçaient une belle journée.

Position désespérée… Il faut l’enlever à l’abordage… La première volée à boulets ronds au pied de son grand mât… les autres à deux boulets… à fleur d’eau… pour le démâter et le couler… Puis nous approcherons avec les armes d’abordage.

Diable, me dis-je, ça va chauffer ! Le jour arriva, et j’allai prendre du repos. À midi je fus réveillé par le bruit du canon. La bataille s’engageait.

— Tout le monde sur le pont. À vos pièces les servants ! Pointez à fleur d’eau !

— Messieurs, continua le commandant, j’avais l’ordre de fuir devant des forces supérieures. Vous êtes témoins que je l’ai fait. Mais maintenant fuir serait une lâcheté. Feu partout ! et à l’abordage !

Cette dernière partie de son commandement était en réponse au navire anglais qui, arrivé à une portée de fusil, nous hélait d’amener nos couleurs. Mais celui-ci, surpris au dépourvu par notre témérité, ne put malgré toute la promptitude possible diminuer de voiles pour nous maintenir bord à bord. Déchaîné par la supériorité de sa marche, il dut nous laisser en arrière.

— Ah ! s’écria L’Hermite, il est tombé dans le piége que je lui tendais. Rien ne peut nous empêcher maintenant de lui passer en poupe et de l’aborder. La barre dessous, timonier en haut tout le monde ! À l’abordage ! hissez les grappins !