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six semaines dans un phare.

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l’équipage fût accablé de fatigue, il n’en resta pas moins debout jusqu’au lendemain, occupé à enverguer de nouvelles voiles, jumeler les bas mâts et les vergues, étancher les nombreuses voies d’eau de la carène et raccommoder les embarcations. Ce travail difficile fut terminé tout d’un trait.

Nous espérions qu’un temps favorable nous récompenserait de nos pertes et de nos fatigues en nous permettant de prendre notre revanche, mais il était dit que rien ne nous réussirait dans cette fatale croisière. La brise passa de l’ouest au sud. À peine le jour paraissait-il à l’horizon, que nous fûmes assaillis par un ouragan si violent, qu’un moment la frégate fut engagée. Elle reprit enfin son équilibre et recouvra son sillage, mais il fallut orienter vent arrière et fuir ces funestes parages sans l’espoir de nous venger.

Pendant trois jours et trois nuits, la tempête continua avec la même violence, et nous pûmes enfin prendre un repos dont nous avions tant besoin.

À peine commencions-nous à goûter les douceurs du sommeil que la tempête nous éveilla encore. Cette fois elle fit bien. Nous étions dans les dangereux passages des bancs des aiguilles, lorsque la vigie signala un navire, au vent à nous, par le bossoir de tribord et gouvernant pour nous accoster.

C’était l’heure de la soupe, et chacun n’en sauta pas moins de joie quand le capitaine L’Hermite cria :

— Suspendez le souper de l’équipage ! Branle-bas général de combat ! En haut larguer le petit hunier et le perroquet de fougue ! n’arrivons pas, timonier !

Grâce au surcroît de voilures tombées du haut de ses vergues, la Preneuse s’élance, et bientôt nous pûmes apercevoir le vaisseau ennemi du haut des bastingages.

Le doute n’était plus possible. C’était un navire de guerre que nous avions par notre travers. Restait à reconnaître sa nationalité.