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récit de chasse-marée.

connu. Tous les marins aussi dressèrent l’oreille. L’Hermite était respecté par eux comme Surcouf.

— De Manille, nous fîmes voile pour la mer de Chine où nous espérions rencontrer des convois anglais chargés de marchandises. En vue des îles Ladrones nous apprîmes qu’un de ces convois était mouillé à trente mille de nous tout au plus. Jugez de notre joie, quand, partis sur cette piste, nous aperçûmes, le lendemain, deux vaisseaux anglais ancrés auprès d’une petite île.

Les Anglais, surpris à l’improviste, comprirent en voyant nos forces supérieures aux leurs qu’ils ne pourraient pas lutter ; ils coupèrent leurs cables, appareillèrent à la hâte en jetant par dessus bord tout ce qui les encombre, ils se dirigèrent vers la rivière de Canton, La chasse commença aussitôt. La marche des Espagnols est fabuleuse, ils nous auraient facilement rendu un bon tiers de leurs voiles et auraient encore conservé leur avance sur nous. Nous étions furieux de cette supériorité de marche qui allait leur permettre d’aborder les premiers l’ennemi, lorsqu’à notre grand étonnement nous les vîmes se ralentir peu à peu et se laisser gagner à vue d’œil par nos deux vaisseaux. Du reste, la chasse allait bien, nous nous étions rapprochés sensiblement des Anglais. Le Brûle-Gueule et la Preneuse, laissant en arrière la division espagnole, se trouvèrent bientôt à une portée de canon des Anglais.

Le feu s’engage aussitôt, nous échangeons plusieurs bordées. Les artilleurs ne pointaient qu’aux mâtures, et tous leurs efforts ne tendaient qu’à un but, celui de causer à l’ennemi quelqu’avarie qui retarde sa marche et donne aux Espagnols le temps de nous rejoindre.

Le feu durait avec vivacité de notre part, mais sans produire de résultat apparent, lorsque les signaux des vaisseaux espagnols nous donnèrent l’ordre de cesser le combat. Nous fûmes obligés