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six semaines dans un phare.

de lui passer les bras autour du cou. Ce qui fit qu’elle fut trempée jusqu’aux genoux. Ce petit accident n’était que le prélude de ce qui va suivre.

— Tu l’as oublié, je parie… attends !

— Non, capitaine. La société une fois débarquée s’éparpille sur le rocher et dans la tour. Bref, elle y fait ce que tous les voyageurs y font, ce que nous y ferons nous-mêmes. Inutile de t’en parler, puisque nous y allons. Au bout de deux heures, il faut se rembarquer. La mer est devenue plus forte. Le capitaine du Triton conduit lui-même les voyageurs du petit canot au lougre. On ne rit plus. Chacun fait silence, s’il n’y a pas de danger sérieux, tout au moins faut-il des précautions. On se hâte surtout, car la mer en grossissant pourrait faire chavirer la barque et couper la retraite aux voyageurs. Quatre voyages se font sans encombre. Il ne restait plus que les Anglais à passer. Déjà les marins avaient pu aborder le petit canot et y déposer leur fardeau. Le dernier allait y toucher à son tour. Celui-ci portait la grande Anglaise. Tout à coup, — je crois toujours qu’il l’a fait exprès, pour venger Trafalgar ! — une vague plus forte bouscule le marin, qui perd pied et tombe avec l’Anglaise dans la mer. Le canot est éloigné par cette secousse d’au moins cinquante mètres. Pendant ce temps le marin qui avait disparu sous la vague reparaît en traînant par la jupe l’Anglaise à moitié suffoquée, que le brave homme avait jugé à propos de ne pas lâcher pour qu’elle n’allât pas à la dérive contre le rocher où elle eût trouvé la mort. Quant au canot au lieu de revenir, il gouvernait sur le lougre, le capitaine ayant jugé à propos de ne pas compromettre en attendant plus longtemps son bateau et la vie des autres passagers. L’Anglaise était sauvée, elle avait pris un bain forcé, voilà tout ; mais le plus curieux, c’était de voir la tête et d’entendre les cris de son mari et de ses enfants que le Triton emportait vers Royan ! Le plus drôle enfin, c’était de voir l’Anglaise