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six semaines dans un phare.

étaient allés jusqu’à Brouage, ville aussi insalubre que Marennes à cause des marais qui l’entourent. Paul avait tenu à voir ces deux villes qui se partagent la gloire d’avoir fourni l’héroïque équipage du vaisseau républicain le Vengeur. L’excursion avait duré plusieurs jours, et on revenait dans le Polar star, sur lequel on avait embarqué trois marins de la côte. À peine eurent-ils doublé la pointe de la Coubre, qu’un vent violent prit la barque par le travers et faillit la faire chavirer. Les marins luttèrent contre le vent, et, pour ne pas courir le risque d’être jetés à la côte, prirent la haute mer où ils furent assaillis par la tempête.

Le capitaine ne riait plus : Clinfoc ne parlait pas. Pour eux la vie de Paul était en danger, et cela suffisait pour faire entrer dans leur âme le sentiment de la peur qu’aucune tempête, si violente qu’elle fût, n’y avait jamais fait naître. Paul avait gardé son sang-froid, quoique son cœur battît à rompre sa poitrine, et il aidait, comme il pouvait, la manœuvre. Ce fut la première leçon de son apprentissage de marin.

Par malheur, la nuit arrivait et le capitaine mit le cap sur le point le plus rapproché de la côte. Bientôt, dans l’ombre de la nuit naissante, apparut un feu brillant.

— Pontaillac, dit Clinfoc.

— Tâchons d’aborder, si le ressac n’est pas trop fort, répondit le capitaine.

Mais le vent changea subitement ; la lame devint terrible et jeta violemment la barque sur la côte. Le contre-coup précipita Paul dans la mer : son oncle n’eut que le temps de le saisir par les basques de son habit, mais il fut entraîné avec lui, pendant que Clinfoc, seul, étourdi, manœuvrait le polar star dégagé du sable vers des lumières qui scintillaient sur le rivage. Quand il se retourna et qu’il ne vit plus son maître et le jeune homme, il poussa un cri terrible ; la barque alla à la dérive, et heurta le