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six semaines dans un phare.

corder. J’en ai connu un, — cela date des pontons — qui m’assura n’avoir jamais entendu causer son compagnon.

— Il était peut-être muet, lui demandai-je.

— Ma foi, fit-il, je n’en sais rien. Je ne lui ai jamais parlé !…

Et tenez, il me revient à la mémoire un fait historique qui s’est passé dans ce même phare d’Eddystone. Il finira dignement ce bavardage, qui ne doit pas avoir beaucoup d’intérêt pour celui auquel depuis six semaines on corne aux oreilles des récits de marins.

— Au contraire, il m’intéresse beaucoup, s’écria Paul qui tenait à se faire pardonner de Chasse-Marée.

— Un jeune homme, marin à bord du Neptune et dégoûté du métier, résolut un jour de se faire gardien de phare. Il n’aimait pas le travail outre mesure : la position de gardien dans un phare lui souriait mieux que celle de marin de l’État. Il entra donc à Eddystone, comme postulant, avec un engagement de six mois. Bons appointements, abondance de vivres, chaude retraite, vie facile. Que lui fallait-il de plus ? Aussi cherchait-il vainement le motif qui avait pu contraindre ses prédécesseurs à quitter le service, et, ne le trouvant pas, il les avait rangés au nombre de ces gens que rien ne satisfait et qui ne sont bien que là où ils ne sont pas.

Le séjour du phare devant paraître quelquefois monotone, il fit quelques emplettes propres à le divertir. Il acheta un jeu de cartes, une boîte à musique et un livre de chansons.

Trois heures après son départ de Plymouth, la chaloupe le déposait à la tour d’Eddystone avec les provisions de la semaine, et il se trouvait seul avec son compagnon de garde.

Celui-ci était un vieil Écossais, hargneux, à la figure rébarbative, sombre et peu communicatif. Il lui fit pourtant les honneurs de sa nouvelle demeure qui lui convint. C’était encore heureux.

Comme il n’avait jamais vu de phare, il fut tout étonné de voir