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six semaines dans un phare.

glisser sur une amarre. Cette opération échoue. Il faut absolument tenter de nous rapprocher. Le Jean-Baptiste, quoique plein d’eau, sent encore son gouvernail. Je laisse porter. L’autre navire en fait autant pour passer à mon avant. La manœuvre allait se terminer heureusement quand une lame énorme prend la Léonie par l’arrière et la fait lancer dans le vent. Un abordage est imminent. Je mets toute la barre dessous. Le navire n’obéit plus et tombe sur l’avant de la Léonie, casse son bâton de foc, son petit mât de perroquet, hache son gréement et déchire le cuivre de la muraille. Une seconde de plus et les deux bâtiments vont se défoncer. Une lame les sépare heureusement.

Deux de mes hommes ont sauté sur la Léonie au moment du choc. Nous ne restons que quatre. La roue du gouvernail est brisée, les débris de la baume et de la corne fouettent en pendant et empêchent d’approcher du gouvernail. Une heure se passe à couper tout ce qui les retient à bord. Enfin je peux m’approcher du gouvernail et mettre la barre pour aller rejoindre la Léonie qui est à une grande distance. Enfin j’en suis à deux encablures, mais mon canot a sombré. Il y a encore une baleinière à bord de la Léonie : au bout de quelques temps je vois manœuvrer pour sa mise à l’eau. Cinq hommes s’y embarquent sans reculer devant le péril auquel ils s’exposent, pour essayer une dernière fois de nous sauver. Ils arrivent sous le vent à nous. Là, nouvelles difficultés et nouveaux dangers.

Le Jean-Baptiste roule comme une barrique. Les lames le couvrent de l’avant à l’arrière. L’un de mes hommes est obligé de se jeter à la mer pour gagner le canot. Nous parvenons tous à y embarquer et nous fuyons aussitôt vent arrière.

Pendant ce temps la Léonie était sur le point d’essuyer un second abordage. Après l’avoir évité, elle avait laissé porter pour rejoindre le canot de sauvetage et avait repris la cape. Nous