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la junon.

comme sur des roches. La journée se passe ainsi, mais le soir, à la nuit tombante, le petit foc est enlevé, il ne reste que les ralingues, tout est balayé sur le pont jusqu’au logement de l’équipage. Le navire s’abîme.

Nous sommes perdus sans ressources. L’eau est dans la cale à deux mètres de hauteur. La tourmente enlève encore le foc de cape d’artimon et le grand hunier.

Heureusement qu’à soixante lieues de nous se trouve aussi un navire qui est en cape abîmé par la tempête. Il ne peut résister à la tourmente et, comme il est près d’engager, le capitaine se décide à fuir vent arrière pour le salut commun. Depuis la veille au matin il a franchi la distance qui nous séparait et nous apparaît comme notre seul moyen de salut.

Je mets le pavillon en berne. La Léonie, c’est le nom du bâtiment, gouverne pour se mettre sous le vent du Jean-Baptiste. Tout l’équipage étant d’avis qu’il faut abandonner le navire, nous prenons nos dispositions. L’ouragan furieux rend la mer si grosse qu’il est impossible de mettre une barque à l’eau. Et pourtant, le navire coulant sous nos pieds ne nous laisse pas d’autre ressource.

La Léonie nous envoie des bouées et des échelles. Nous ne pouvons rien attraper. Une de nos embarcations est mise à l’eau et, après avoir couru les risques de se briser vingt fois le long du bord, huit hommes réussissent à s’embarquer. Ils partent vent arrière, disparaissent et reparaissent bientôt entre les montagnes d’eau qui séparent les deux navires. Ils accostent sous le vent de la Léonie. Ils me paraissent sauvés. Peu après je vois mon canot filer sur une amarre à l’arrière de ce navire ; mon anxiété est grande, car en voyant cette manœuvre, que je ne comprends pas, je crains que personne n’ose plus venir à notre secours.

Enfin, on essaie de nous renvoyer notre canot en le laissant