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six semaines dans un phare.

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— Mon oncle, demanda-t-il, que faites-vous là ? Est-ce que le phare va s’écrouler ?

Le bon et franc sourire du père Vent-Debout lui répondit, mais ses jambes ne furent pas assez lestes, et le premier qui apparut dans la chambre suivi du père Clinfoc fut le petit Antenolle.

— Bonjour, monsieur Paul, dit-il. Ah ! nous avons du nouveau à vous conter. Allez !…

La chambre fut bientôt pleine. Voici ce que Paul apprit de la bouche de son oncle, car, par déférence pour le capitaine, les matelots lui laissèrent conter ce qu’ils savaient mieux que lui, l’ayant appris de première main.

Se substituant de sa propre autorité au héros de l’aventure qui les avait tous émus, le père Vent-Debout débuta :

— Mon ami, c’est encore un naufragé. Tu dois en avoir les oreilles un peu rabattues, mais celui-là c’est de l’actualité. Le navire qui s’est perdu dans les parages des Açores s’appelle la Léonie. Je ferais mieux de dire : s’appelait. Enfin ! nous en connaissions tous l’équipage, moi-même j’ai été recueilli par ce trois mâts. Quand nous avons appris ce matin par le vapeur de Bordeaux ce désastre qui frappe plusieurs familles de nos côtes, nous avons été tellement émus que nous t’avons laissé, mon cher enfant, et si tu n’avais pu te lever, tu serais encore au lit.

Donc figure-toi que je monte encore le Jean-Baptiste et que je te raconte ma propre aventure. Nous faisions voile de Pisagua à Bordeaux ; après trois mois de coups de vent presque incessants, nous fûmes assaillis par un violent cyclone près des Açores. Déjà, en doublant le cap Horn, une voie d’eau s’était déclarée dans la coque, mais, grâce à une pompe puissante, le navire s’était maintenu à flot. Dans la nuit, vers une heure du matin, un ouragan furieux se déclare, on a beau réduire la voilure, pomper constamment, la mâture est bientôt tordue, tous les bastingages sont enlevés ; les coups de mer brisent à bord