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six semaines dans un phare.

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L’ordre fut exécuté au milieu des rires de l’équipage qui commençait à comprendre.

À mesure que le sillage rapide du Tigre nous éloignait de la barrique, nous voyions et entendions les deux Anglais effrayés de leur position — deux ou trois requins rôdaient autour — faire des signaux à la corvette qui arrivait sur eux. La corvette en les apercevant se mit en panne et envoya un canot à leur secours. Nous, nous filions et plus vite que ça. Avant que l’Anglais ait orienté ses voiles et se soit remis à notre poursuite, nous avions l’avance.

Tous les Anglais recueillis par nous passèrent par les barriques. Le soir, nous n’apercevions l’ennemi qu’au loin. Pendant la nuit, qui fut très-obscure, on fit fausse route et on déguisa le navire en gros caboteur hollandais, mais le lendemain nous n’aperçûmes aucune voile sur l’océan.

Après cinquante-cinq jours de mer, nous arrivâmes à Bourbon. Le mal de mer ne m’avait pas quitté. Un bateau de commerce qui faisait voile pour Bordeaux me prit comme passager, et je partis pour la France, me promettant bien de quitter ce métier de marin si dur pour mon pauvre estomac.

Mais j’aimais la mer malgré tout ce qu’elle m’a fait souffrir, et, pour ne pas l’abandonner, je me suis mis gardien de phare. Je ne suis plus malade que lorsque la tempête fait plier notre tour comme un jonc… Ne riez pas, je l’ai sentie plier !…

Chacun éclata de rire, mais Paul ne put s’empêcher de remercier Antenolle pour son récit qui l’avait plus d’une fois ému et charmé.