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antenolle.

Quatre jours après, des trente nègres qui restaient dix n’étaient pas morts, mais ils succombaient le lendemain, et ayant jeté leurs corps à la mer, nous nous retrouvions entre amis.

Le vent commença à se lever et nous poussa dans la direction de la terre. Huit jours après, nous aperçûmes une barque de pêcheurs que nous hélâmes et qui vint à notre secours. Enfin nous sommes à terre !

Mais pendant notre séjour sur le radeau, il s’était passé un événement que j’ignorais et que je n’appris que plus tard, en voyant mon ami Tombaleau maigre comme un squelette, la jambe gauche enflée et enveloppée d’un morceau de toile, enfin ne ressemblant en rien au joyeux et vigoureux matelot dont la gaieté, le courage et l’énergie ne se démentaient jamais.

Que s’était-il passé pendant que je dormais ou que j’allais me cacher dans la coque grignoter mon jambon ? C’est Tombaleau lui-même, qui va nous le dire :

— Il y avait sept jours qu’on était sur le radeau, et depuis l’avant-veille on n’avait rien mangé. — Le tonnelier me dit, en me montrant des petits requins qui nous suivaient, attirés par les cadavres que nous leur avions jetés les jours précédents : Tombaleau, mon vieux, si nous avions encore un ou deux moricauds, nous nous en servirions comme d’appât pour ces requins-là. J’ai justement un harpon. Tiens, que je lui dis, c’est une idée. Voyons voir si nous pourrons remplacer les moricauds.

Or justement, voilà un coquin de petit requin qui frise le radeau avec ses nageoires. Va chercher ton harpon, que je dis au tonnelier, et dépêche-toi. Alors, moi, je me fais le raisonnement suivant : Si le tonnelier parvient à harponner ce requin, ça va nous mettre un fameux morceau sous la dent, ça nous sauvera peut-être. Faut absolument prendre un petit requin ! Quant à toi, mon ami Tombaleau, si tu es endommagé, car j’avais mon idée, ça t’apprendra à partir un vendredi ; Or, j’achevais de me faire