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six semaines dans un phare.

bon tour au croiseur anglais. En deux heures, il avait eu le temps de transformer sa goëlette en tartane sans oublier, pour compléter la métamorphose, de lui peinturlurer une batterie blanche.

Vous comprenez que, le capitaine n’en étant pas à son premier coup d’essai, nous eûmes bientôt fait de déguiser la Blanchette.

D’abord, nous commençâmes par orner le triste flanc noir du navire d’une ceinture jaune plaquée à grands coups de pinceau, puis nous allongeâmes les mâts du perroquet des deux bouts-dehors. La corne fut placée sur les plats-bords, nous élevâmes un troisième mât sur notre arrière. Le tôt fut enlevé et les bastingages élevés au moyen de faux pavois, puis nous ouvrîmes les sabords. Enfin des canons en bois, ajoutés à nos deux seules caronades, nous complétèrent une batterie de six pièces à tribord. Pour dernière précaution, nous bondâmes le navire d’un espèce de filet d’abordage. Au jour, la Blanchette offrait, à s’y méprendre, l’aspect d’une corvette montrant douze bouches à feux.

Le navire étant déguisé, nous songeâmes à nous déguiser aussi pour rendre l’illusion plus complète. Les quelques nègres dévoués qui nous aidaient à faire le service à bord, furent bientôt transformés en matelots. On les barbouilla avec un mélange de farine, de sang de poulet et d’eau. On les affubla de perruques d’étoupe et on les revêtit d’un costume de marin. Le capitaine prit son grand costume d’officier, le lieutenant un frac d’officier anglais. Cinq ou six grands chapeaux de paille noircis à la hâte, tordus en forme de tricornes et surmontés de panaches de plumes de coq abritèrent nos têtes. Enfin, l’étamine d’un pavillon fournit des ceintures à tout ce brillant état-major.

Je ne m’étais jamais trouvé à pareille fête. J’étais le plus heu-