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la tour de cordouan.

cunes marchandises pour faire du cabotage. Le port à fond de vase, à sec toute la journée, n’avait que quelques chaloupes de passage et des barques de pilote, presque toujours au large en quête de navires. Son seul simulacre de commerce était le transit des huîtres de Marennes, que les jolies femmes de la Tremblade, coiffées de leurs colossales pyramides renversées de linon, accompagnaient jusqu’à Bordeaux.

À cette époque, cette ville s’appelait bourg et eût dû être appelée village, car une maison d’un étage y passait pour une prétention. Les maisons n’avaient qu’un rez-de-chaussée parqueté en argile, éclairé par la porte, à la fois cuisine, salle à manger et chambre à coucher, le tout surmonté d’un grenier où le pêcheur suspendait ses filets et la ménagère ses bottes d’échalotes. Un toit en saillie, avec tuiles bombées, projetait au soleil son ombre sur un mur blanchi à la chaux et décoré d’une treille de muscat, qui abritait le banc de bois où le maître venait prendre le frais et deviser avec le passant.

Il n’y avait pas de trace de rue. Le sol creusé par les roues des charrettes et le pied des bœufs offrait partout des mares et des fondrières. Quelquefois la mer faisait irruption dans la ville et démolissait des murs qu’on relevait jusqu’à une nouvelle voie de fait de la marée.

La population était ignorante, indifférente à la marche du progrès. Il fallut que la civilisation vînt la trouver pour en faire ce qu’elle est aujourd’hui, et la forcer à faire la prospérité du pays en embellissant Royan et en se mettant au niveau de notre époque.

Voici comment Eugène Pelletan raconte cette métamorphose.

— « Du moment que la population royannaise eut à loger une invasion de baigneurs, elle dut songer à créer de tous côtés des logements. Celui-là rebâtit sa maison de fond en comble ; celui-ci exhaussa son rez-de-chaussée. La démolition gagna de proche