Page:Garnier - Six semaines dans un phare, 1862.djvu/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.
339
antenolle.

tenait en vue et au large d’une petite rivière. Quelques navires étaient au mouillage à trois milles de terre. Dans la soirée on aperçut, à travers les arbres qui bordent la rivière, les hautes voiles d’une goëlette, s’avançant vaillamment au milieu des brisants de la barre, qu’elle franchit aisément, comme un cheval de course saute une barrière. Sa coque était entièrement noire et sur le pont on voyait une foule de boules rondes et crépues. C’était mon capitaine Tranche-liard qui venait de faire son chargement d’ébène pour le compte d’un armateur espagnol.

— Hurah ! nous l’aurons ! crient les Anglais.

La goëlette, le cap au large, se dérobe et serre la côte de si près qu’on croirait qu’elle navigue sur le sable du rivage. La nuit vient. Pas de lune. Temps à grain. On veille à bord de la corvette. À chaque instant le commandant demande des nouvelles du négrier.

— Rien en vue, répond la vigie.

Sur la goëlette on veille aussi et il s’y fait un grand travail.

À minuit, la vigie anglaise signale une tartane en vue courant sur la corvette. Le commandant monte sur la dunette et aperçoit, aux rayons de la lune qui montre son nez tout exprès, une longue tartane à batterie blanche qui vient innocemment, vent arrière, et passe à portée de voix sous la batterie du croiseur.

On la hèle :

— D’où venez-vous ?

— D’Antibes.

— Votre nom.

— L’Alerte.

— Avez-vous rencontré une goëlette ?

Voui, monsieur, à quatre milles d’ici, le long de terre… C’était mon capitaine Tranche-liard qui venait de jouer un