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six semaines dans un phare.

dans ces parages. Et en effet le calme était plus profond que jamais. Le capitaine consulta l’équipage.

— M’est d’avis, dit Tombaleau, que si nous n’en imposons pas à ces brigands, nous sommes fichus, car ils vont revenir et en nombre. Le mieux est de leur faire peur. Voilà mon avis.

— De quelle façon t’y prendrais-tu pour effrayer les Arabes ?

— Ce n’est pas malin, nous avons le temps. Déguisons notre corvette en trois-mâts de guerre avant que le jour se lève.

— Ma foi, oui, tu as raison, Tombaleau, déguisons le navire.

— Si ces brigands nous reconnaissent, eh bien, capitaine, nous taperons dessus. Ça nous amusera !

Il faut vous dire que le capitaine s’y connaissait à déguiser un navire. Tombaleau m’avait déjà raconté ses prouesses. Il avait plus d’une fois fait la traite sur une de ces jolies goëlettes espagnoles qui remontent toutes les rivières des côtes d’Afrique pour prendre leur chargement de bois d’ébène, en dépit des croiseurs anglais et français qui sont là, battant la marche en long et en large devant les rivières soupçonnées de traites.

Le petit navire sort cependant, rasant la terre, et semble jouer au milieu des récifs où il a à peine de l’eau en suffisance pour flotter, mais il court toujours.

La corvette qui le surveille, court sur une ligne parallèle, mais au large. Commandant, officiers, équipage, tous ont bien reconnu le gredin ; c’est une goëlette à hunier. Son perroquet est très-échancré et la moitié de ses laizes sont neuves. Sa coque est peinte en noir. C’est bon va, rase bien la terre, dès que tu prendras le large, tu seras pincée ! mais la nuit vient et gare à la métamorphose.

Une nuit, sur la côte des Graiwes, un croiseur anglais se