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antenolle.

si forte bande, qu’avant qu’il pût se relever, une lame déferla sur le pont en enlevant trois hommes. Zambalah jeta un coup d’œil rapide autour de lui. Le capitaine et deux matelots avaient disparu.

— Je suis son esclave, s’écrie Zambalah, mon devoir est de le sauver.

Et fouillant du regard, dans les débris que la houle promenait çà et là, il vit le capitaine luttant avec peine contre le flot. Il saisit un filin qu’il passe à son bras et dont il noue un bout au bastingage, puis se précipite. Bientôt il arrive près de son maître, lui donne le filin, remonte à bord et, aidé de deux matelots, il parvient à hisser le capitaine sur son navire.

— Va, tu es libre, Zambalah, dit celui-ci dès qu’il eut repris ses forces.

— Ta parole, maître ?

— Je te la donne.

La parole d’un négrier est, paraît-il, chose sacrée, car le lendemain à son réveil Zambalah… était rivé au même anneau où il avait demandé un peu d’air pour son frère !…

Les vents opposés continuant à souffler, le négrier fut obligé de doubler le cap de Bonne-Espérance et de courir vers Bourbon, pour débarquer clandestinement sa marchandise sur quelque point de l’île peu surveillé.

En effet, au milieu d’une nuit sombre, on vit deux ou trois barques gagner la terre à force de rames. Chaque embarcation contient cinquante noirs retenus par de solides liens. On les débarque sur la plage. À la lueur de plusieurs torches, un débat s’engage entre le colon et le négrier, on se serre la main et on se dit adieu. Mais une voix s’écria :

— Je ne suis pas esclave, moi, n’est-ce pas capitaine ?

— À propos, dit le Portugais à l’acquéreur, j’ai oublié de