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yvonnec le breton.

fiancée un beau cadeau de noce, il songeait aux merveilles et aux trésors enfouis dans l’Océan, et se désolait de ne pouvoir les atteindre. Comme il rêvait tout haut en se promenant sur les falaises, quelqu’un l’entendit. Ce quelqu’un était un habitant du hameau, ancien matelot, qui avait navigué longtemps et fait son tour du monde comme calier. Les vieux de la cale sont tous sorciers, tout le monde à bord le sait bien, et il faut s’en méfier comme des loups-garous. Il ensorcela Brelindindin, ce qui ne fut pas difficile.

— Comment, lui dit-il, tu veux offrir à ta femme un présent digne de la plus belle et du plus brave, et tu ne te mets pas en route pour aller le chercher ! Ne peux-tu aller ramasser la perle bleue, cette perle qui donne la richesse ? Dame ! il y a du danger, mais en allant chez les druidesses de l’île de Sein, tu pourrais bien t’assurer où est la perle bleue, et la demander à qui la possède.

Vous avez deviné, n’est-ce pas, que ce calier-là, c’était le diable en personne, autrement dire, le démon des voyages.

Mon Brelindindin prend ça pour de l’argent comptant, dit au revoir à Marie, saute dans sa barque, hisse la voile, se met à la barre et part malgré le mauvais temps, défiant les lames et l’ouragan. Ça, c’est bête et pas chrétien du tout. Il ne faut pas défier l’Océan. Dieu l’a créé pour montrer que l’homme est petit. Brelindindin ne craignait rien. Encore une faute. Celui qui craint tout est poltron ; celui qui ne craint rien est impie. Dieu veut se faire craindre. Voilà pourquoi il punit Brelindindin.

Poussé par des vents de noroi, son bateau courant grand largue, se trouvait devant les îles calcaires et les falaises du Calvados qui vont d’Arromanches à Port-en-Bessin. C’est un site sauvage et désolé, dans lequel on trouve les deux roches enchantées des demoiselles de Fontenailles ; mais le bateau filait comme le vent. Ce fut dès lors un voyage étrange.

Il laissa à tribord l’île de Saint-Borodon, qu’on rencontre sans