Page:Garnier - Six semaines dans un phare, 1862.djvu/305

Cette page a été validée par deux contributeurs.
295
superstitions des marins.

jour on ajouta une cordelette de plus pour mieux garrotter la victime sainte. À la fin, le vent souffla et l’on délivra saint Antoine qu’on remit très-respectueusement dans sa niche, en le remerciant, mais en lui reprochant son obstination qui avait contraint des hommes, pleins de confiance en lui, à user de rigueur à son égard et à lui manquer de respect. Eh bien ! croyez-vous que je n’aime pas mieux croire à des lutins que je n’ai jamais vus, que de faire des sottises pareilles ?

Chacun riait de bon cœur, mais Paul reprit sérieusement :

— Les superstitions furent de tous les temps et de tous les pays. Chez les Grecs et les Romains, si des hirondelles se posaient sur un navire, c’était un présage funeste. Cléopâtre, au moment de s’embarquer pour aller à Actium retrouver la flotte ennemie, vit ces oiseaux perchés sur les mâts de ses navires et elle retourna à son palais, n’osant braver un augure que tous les gens de la flotte regardaient comme fatal.

— Vous voyez bien ! s’écria Chasse-Marée, M. Paul n’est pas si sot que vous !

— Ma foi, dit Rabamor pour apaiser un peu les rires qui finissaient par impatienter le grand papa Chasse-Marée, personne ici ne pourra contester l’existence du Voltigeur hollandais.

— Ah ! oui, riposta Clinfoc, ce n’est peut-être pas vrai, mais c’est vrai tout de même que les Hollandais jouent dans tous nos contes un rôle de damnés.

— Voyons l’histoire du Voltigeur hollandais. La parole est à Rabamor.

— Donc, il y avait autrefois, mais il y a bien longtemps de ça, un capitaine qui ne croyait ni à Dieu, ni aux saints ni à d’autres. C’était un Hollandais de je ne sais plus quel pays, mais ça ne fait rien à la chose. Il partit un jour pour aller dans le Sud. Tout alla bien jusqu’à la hauteur du cap de Bonne-Espérance,