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yvonnec le breton.

— Nous sommes perdus, s’écria la jeune femme. Puis, tout à coup, par une pieuse inspiration, prompte comme l’éclair :

— À genoux, s’écria-t-elle, à genoux, mon ami ; vouons-nous à la sainte Vierge. Elle seule peut nous sauver.

Les deux époux tombèrent tremblants, à genoux sur le sable humide, les regards au ciel, entre une dernière espérance et la pensée d’une mort cruelle.

Les dogues farouches, comme si une mystérieuse barrière arrêtait leur élan, fixèrent leurs yeux sanglants sur le couple prosterné, s’arrêtèrent immobiles, puis, tournant à gauche, disparurent dans l’ombre du côté opposé.

Les jeunes gens étaient sauvés et leur vœu fut religieusement rempli à la Vierge en présence de la population entière du pays.

Les chiens du guet, malgré tous les services qu’ils avaient rendus, furent condamnés au dernier supplice pour le fait suivant :

— Un jeune officier de la marine marchande, étant allé dîner à Saint-Servan, revint la nuit à Saint-Malo, bien qu’on eût employé tous les moyens pour l’en détourner. On lui représenta que les chiens du guet se trouveraient inévitablement sur la grève avant qu’il ne pût la franchir, qu’il lui était impossible de passer par ce chemin sans courir les plus grands dangers, il repoussa tous les conseils de la prudence, toutes les supplications de l’amitié et s’élança vers la grève… vers la mort.

Les dogues étaient descendus vers le port et commençaient leur ronde de nuit. L’officier confiant dans son énergie et dans son épée continua résolûment sa route.

Les chiens s’avançaient en ligne serrée, menaçants, prêts à broyer le téméraire sous leurs crocs aigus. Le combat s’engagea vif, affreux, sanglant, horrible. On entendit au loin des aboiements répétés, et les cris féroces de la meute, puis à travers cet