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la tour de cordouan.

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— Je n’ai pas besoin de tes conseils.

— Vous n’y pensiez pas.

— Ça c’est vrai. Va faire ma malle. Il y a des moments où tu vaux mieux que moi.

— Tristes moments alors !…

Le jour même, poussé par Clinfoc qui ne le laissa pas une minute tranquille, le capitaine partait pour prendre l’express, et « voguait à pleines voiles pour la capitale. » Le vieux matelot resta seul, triste, maussade et, n’ayant plus son maître pour se quereller avec lui, il profita de ses loisirs pour préparer la « cambuse » du petit. Il y passa tout son temps, défaisant le lendemain ce qu’il avait fait la veille, et se parlant à lui-même :

— Tu vieillis, Clinfoc. Quoi ! ne rien trouver pour amuser cet enfant ? Il va s’ennuyer à mourir entre deux vieilles marmottes. Quand il était petit, ça passait. Mais aujourd’hui, c’est un homme, un premier prix au concours des… comment a-t-il dit ça le capitaine ? Enfin, n’importe  !… Puisqu’il veut être marin, je lui apprendrai le métier. Il filera son nœud sous mon écoute. Nous pâquerons de la toile, nous bourlinguerons sur la Gironde et l’Océan au besoin. Tiens, au fait, nous visiterons les côtes… Oh ! nous irons à Cordouan !

Ce projet devint une idée fixe chez le vieillard. Il ne s’occupa que de la faire entrer dans la tête du capitaine quand il serait de retour.

— Bah ! je lui dirai que je ne veux pas et il voudra. Quant au petit, nous avons l’habitude de faire ce qu’il veut ; ça ne sera pas difficile.

Enfin, le grand jour arriva. Clinfoc de son côté avait fait le voyage de Rochefort, afin d’embrasser le collégien quelques heures plus tôt. Il attendait les voyageurs à la gare — à l’extérieur, ce qui faisait enrager le vieux matelot qui aurait tant voulu voir arriver le train, et courir au compartiment où il aurait