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yvonnec le breton.

— Il n’y a donc pas de vigie à ta grand’hune, que tu abordes sans crier gare ? lui dit le vieux matelot.

Yvonnec le regarda de travers et sortit sans répondre. Cela ne faisait pas le compte de Clinfoc, qui courut après lui et le ramena, sans résistance du reste.

— Que faisais-tu là ? Le petit dormait. Tu l’as réveillé, pas vrai, pour qu’il voie ta face blême à son réveil. Écoute, bavard, prends bien garde à ce que je vais te dire. Oriente-toi à ne pas faire d’embardées, parce que si tu tombes sous mon écoute !…

— Que vous ai-je fait, reprit doucement le Breton, que vous soyiez toujours pour moi comme une bouline de revers ?

— Ce que j’ai ?… Tu vas le savoir. Mais entre ; la porte ouverte, ça fait un courant d’air. Bonjour, le petit. Capitaine, je vous salue.

Paul ayant souri au vieux matelot, le capitaine ayant grogné un bonjour, Clinfoc s’approcha du lit dont il arrangea les couvertures, souleva l’oreiller sous la tête du malade, lui versa à boire une cuillerée de sa potion, sans faire attention aux yeux furibonds du capitaine qui finit par s’écrier :

— Ah ça ! vieux désemparé, est-ce que j’avais besoin de toi pour faire le service ? C’est pas malin, j’espère.

— Vous n’êtes pas capable de commander la manœuvre du ménage, mon capitaine, riposta froidement Clinfoc.

Le père Vent-Debout allait répondre, ce qui eût été le prélude d’une de ces éternelles disputes du capitaine et de son matelot ; mais Paul d’un signe apaisa son oncle. Clinfoc n’y fit même pas attention ; il était stupéfait !

En jetant un regard circulaire autour de lui pour parer au désordre habituel d’une chambre à coucher quand on s’éveille, Clinfoc s’était aperçu que tout était à sa place, le parquet soigneusement nettoyé, le feu allumé, la bouillote sur le feu. Bref, tout était en ordre. Qui donc s’était permis de faire son travail ?