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rabamor.

Le capitaine anglais était humilié. Le Bordelais riait dans sa barbe.

— En voilà des boulettes, murmurait-il, nous sommes capables de rester là jusqu’à la fin de nos jours. Il ne peut donc pas faire larguer ses voiles ?

— Et comment vous y prendriez-vous, mon ami, pour appareiller, if you please ?

C’était le capitaine anglais, qui avait entendu le Bordelais et lui faisait cette question sans le regarder.

Les matelots qui étaient là entendirent aussi, mais ils ne comprenaient pas le français, seuls mes compagnons écoutaient avec un air qui disait : « Il y vient l’Englisch. » Le Bordelais s’en aperçut, et comme il avait un profond respect pour tout ce qui porte l’épaulette, il ôta sa casquette, et répondit :

— Capitaine, je mettrais à exécution l’idée que vous aviez ce matin.

L’Anglais ne broncha pas :

— Vous croyez ? ah ! bien !… Merci… dit-il.

— Seulement…

— Ah ! il y a un seulement.

— Oui, capitaine, sauf votre respect. Pour faire hisser vos gabiers dans les hunes et sur les basses vergues par l’autre bord et à l’abri des bas mâts, vous avez raison, ça les garera des balles et ils seront tous prêts pour la manœuvre. Le grand amiral qui est là-haut n’aurait pas mieux trouvé.

Le capitaine eut un tressaillement, mais ne bougea pas.

— C’est votre idée, elle est donc bonne. Pour lors, vous faites charger les caronades jusqu’à la gueule. Vous attendez qu’il fasse calme, et puis feu partout. C’est très-bon.

L’Anglais ne put s’empêcher de se retourner, mais il se maintint toujours roide et dit froidement :

— Oui, c’est là mon idée. Par malheur je ne peux faire feu contre les rochers.