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six semaines dans un phare.

sa nation. Je suis sûr qu’il ne s’éloignera pas. Le tout est d’aller le retrouver.

L’idée était bonne, mais l’exécution était loin d’être facile. Il fallait d’abord déjouer la surveillance des Indiens, puis affaler un de nos canots du haut de notre rocher dans la mer.

Dès que la nuit fut venue, voyant que la plage n’était pas très-bien gardée, car nos ennemis ne se doutaient pas que nos canots fussent en état de prendre la mer, nous nous mîmes à trois dans un canot et l’on nous descendit du haut de notre falaise. On avait tiré au sort à qui tenterait l’entreprise, mais j’avais demandé à en être, et je pris la place d’un pauvre diable qui ne tenait guère plus sur ses jambes.

Parvenus à la mer, nous détachâmes les cordes qui retenaient notre canot, puis, ramant avec la plus grande précaution, nous nous éloignâmes sans être poursuivis.

Il y avait trois heures que nous naviguions avec vigueur, quand nous aperçûmes à tribord une lumière. Le vent ayant fraîchi, nous hissâmes notre voile et nous avançâmes plus rapidement. La lumière nous apparaissait de plus en plus brillante, et pourtant personne ne répondit à nos cris et aux détonations de nos fusils. Une heure se passa ainsi dans une cruelle incertitude.

Tout à coup nous aperçûmes à fleur d’eau une autre lumière, moins vive et moins grande que la première, qui avançait rapidement vers nous. À peine nous étions-nous levés pour héler ceux qui venaient à nous, qu’un coup de fusil troubla le silence de la nuit et qu’une balle siffla à mon oreille. Alors une voix nous ordonna, en anglais, de nous arrêter.

Plus de doute. C’était l’embarcation du navire que nous cherchions. Nous étions sauvés. La frégate anglaise qui nous secourut était le Roal-West, une des frégates de la Compagnie des Indes les plus connues sur la côte.

Quand nous eûmes pris des forces devant un bon repas, nous