Page:Garnier - Six semaines dans un phare, 1862.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.
261
rabamor.

tribution des vivres et je demandai à n’avoir que demi-ration. Je n’avais pas le droit de manger autant que les autres.

La journée et la nuit se passèrent sans incidents. Le lendemain au petit jour, nous aperçûmes trois praws se dirigeant de notre côté. Le Bordelais qui avait flairé cette attaque n’avait pas jugé à propos de nous effrayer, mais il avait parfaitement distingué des Indiens qui, cachés derrière les rochers, guettaient notre débarquement ; n’étant pas en nombre, ils avaient été chercher du renfort et c’était ce renfort, qui arrivait.

D’un autre côté le Bordelais, qui connaissait les Indiens comme sa poche, savait que ces messieurs professent un profond respect pour tout ce qui est fortification. Un simple fossé avec parapet les arrête. Ceux qui venaient nous attaquer devaient nécessairement s’arrêter court devant notre forteresse. Abrités derrière nos canots qu’on avait mis la quille en l’air, nous attendîmes l’assaut, mais les Indiens n’essayèrent même pas de franchir le fossé et rebroussèrent chemin en désordre, salués par nos coups de fusil qui en étendirent deux ou trois. Ils revinrent plusieurs fois, et leur nombre se doublait à chaque visite. Ils étaient bien un millier qui entouraient le rocher.

Le danger n’était pas là. Nous sentions que jamais ils n’oseraient franchir nos fossés, mais nos vivres diminuaient. Les gredins nous prenaient par la famine.

Cela dura huit jours. Nos rations s’épuisaient, bien qu’on les eût réduites de moitié. Tout à coup nous aperçûmes une voile européenne qui pointait à l’horizon. Les voiles de nos embarcations furent plantées au bout de nos rames. On tira des coups de fusil. Mais la voile disparut. Seulement nous remarquâmes qu’à la vue de cette voile, les Indiens avaient filé avec leurs praws, ne laissant à terre qu’une centaine d’hommes pour nous garder.

— Je vois ce que c’est, dit le Bordelais. Cette voile est celle d’un croiseur anglais qui fait la chasse aux pirates pour le compte de