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six semaines dans un phare.

épouvantés reculent, mais n’ayant plus de retraite, car le praw a coulé, ils reviennent avec des hurlements prêts à reprendre leur revanche, quand une épouvantable détonation se fait entendre. Le Bordelais et moi avions mis le feu aux deux caronades. Quand la fumée fut dissipée, la voix du maître d’équipage se fit entendre. Chacun croyait qu’il allait donner un ordre et écoutait.

— Est-ce qu’il y en a encore ? dit le loustic.

Alors, en un clin d’œil, presque joyeux chacun se précipita sur le pont, pour achever sans pitié les Indiens blessés et tuer ceux que la mitraille avait épargnés.

Nous nous comptâmes, nous restions sept, plus le capitaine et un lieutenant. Le Bordelais seul n’avait pas reçu une égratignure. Quand nous voulûmes le féliciter :

— Pas la peine, camarade, répondit-il, je n’ai fait qu’obéir aux ordres du capitaine.

Il y avait dix heures que nous nous battions, chacun sentait le besoin de se refaire et de se reposer, moi surtout dont le corps était une véritable pelote ; mais au moment où, tout à la joie d’une victoire, nous songions au repos, une violente secousse ébranla le navire, nous venions d’échouer.

La mer était calme et le vent léger. Notre sauvetage offrait peu de dangers, seulement nous ne savions pas si l’île où nous allions aborder ne renfermait pas de nouveaux pirates, et la crainte de tomber entre les mains des Indiens après notre victoire nous épouvantait.

La première embarcation qui se dirigea vers la terre contenait cinq hommes armés. Trois restèrent sur le rivage, les deux autres ramenèrent le canot. Alors le déchargement du Pinson commença, d’abord l’argent, puis l’eau douce et les munitions. Quant aux provisions de bouche, l’eau ayant gagné l’entre-pont, nous ne pûmes sauver que deux sacs de biscuit et quelques livres de viande salée. Il était près de six heures quand