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six semaines dans un phare.

ples gabiers, nous ne devions pas en retirer un intérêt énorme.

Enfin !… j’acceptai. Le brick le Pinson me plaisait assez. Il était fin voilier, et son capitaine, un Français de Bordeaux, nous reçut à bord avec beaucoup d’amitiés. Je trouvai seulement qu’il y avait beaucoup trop d’hommes d’équipage pour un navire de commerce, mais il me fut répondu que c’était en cas d’attaque des pirates indiens, communs dans les parages que nous allions parcourir. De fait, nous étions armés en guerre. Il y avait même quatre caronades en bronze.

L’équipage donc se composait du capitaine, un Bordelais, du second, un Malaisien, du lieutenant, un Parisien, du maître d’équipage, un Alsacien, tous Français, quoi ! mais en revanche sur les vingt matelots nous n’étions que dix Français sans compter le Rouget et moi, trois Provençaux, deux Espagnols, un Malais, un Maltais et le Génois dont je vous ai dit deux mots. Ah ! j’oubliais Bibi, le moussaillon.

— Pardon, demanda Cartahut, est-ce que les Provençaux, ils sont pas Français ?

— Pas ceux-là, répliqua Rabamor, et tu verras, mon brave, pourquoi j’ai fait cette distinction.

— J’accepte l’excuse !

— En quittant Maurice, nous nous dirigeâmes vers la mer Rouge. Notre première relâche fut aux Seychelles, où nous fîmes de l’eau. C’est là que pour la première fois de ma vie, j’ai vu des caïmans. Ah ! monsieur Paul, vous qui aimez la chasse, je m’en vais vous apprendre comment on chasse le caïman dans ce pays là, sans fusil ni sabre.

Nous étions à rouler nos barriques d’eau sur une petite rivière ; quand un des nègres qui nous aidaient poussa un cri. Un caïman s’avançait vers nous. Il était à cent pas à peu près.

— Ne bougez pas, fit le nègre, en appelant ses compagnons, à qui il montrait le monstre.