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six semaines dans un phare.

dirigé que leurs pertes étaient déjà très-fortes. Par malheur nos munitions diminuaient et il ne nous restait plus qu’à faire l’impossible pour tenter de gagner le rivage. Nous passâmes un à un sur le bord opposé et bien rapprochés les uns des autres, nous réussîmes à descendre jusqu’à la plage, en faisant halte à chaque instant pour faire face à nos ennemis qui, s’étant aperçus de notre manœuvre, nous serraient de près.

Enfin, après une demi-heure de marche, nous aperçûmes notre corvette, mais comme elle était ancrée dans l’autre île, il est probable qu’à cette distance ceux qui étaient à bord ne pouvaient rien distinguer ni rien entendre. Cette vue pourtant redoubla notre courage et nous hâtâmes le pas. Tout à coup, un nuage de sable obscurcit nos regards et quand il fut dissipé nous vîmes que non-seulement les cavaliers nous coupaient le passage, mais encore que derrière nous la retraite était fermée. Nous étions entre deux camps. Notre troupe était réduite à sept personnes et il ne nous restait que quelques coups de feu à tirer, trois ou quatre environ.

En jetant les yeux autour de moi, je vis un groupe de palmiers ombrageant des huttes en ruines. Je dirigeai ma troupe vers cette petite fortification et là nous nous préparâmes à vendre chèrement notre vie.

Les naturels furieux de ne pouvoir nous atteindre nous enfumèrent comme des jambons. Ils entassèrent du bois mort et des roseaux secs tout autour et y mirent le feu. Il fallait quitter au plus vite notre abri. Une haie de vacoua bordait le chemin opposé au feu. Nous le prîmes en courant et, nous jetant dans ces buissons épineux, nous attendîmes une nouvelle attaque.

À ce moment un coup de canon retentit dans l’air suivi d’une décharge de mousqueterie, nous poussâmes un cri de triomphe. La corvette nous envoyait du secours.

Notre première idée fut de courir à la rencontre de nos sau-