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rabamor.

plaine sablonneuse qui bordait la mer, nous aperçûmes une masse noire et confuse. C’étaient des cavaliers qui, unis aux sauvages que nous avions mis en fuite, mais qui nous suivaient de loin sachant bien ce qui nous attendait, faisaient une troupe assez forte pour que nous ne puissions pas espérer la vaincre facilement.

Nous nous affermîmes tant bien que mal sur la bande de sable ; protégés d’un côté par un bloc de rochers et de l’autre par de gros arbres dont les racines plongeaient dans la rivière, nous avions en face de nous l’ennemi, dont les chevaux ne pouvaient escalader notre position et les piétons dont les flèches pouvaient à peine nous atteindre.

— Ménagez vos munitions, criait le Rouget, qui surveillait l’expédition, et visez bien.

— Courage, enfants, dis-je à mon tour. Eh bien ! où vas-tu, Rouget ?

— Je reviendrai, fit mon camarade.

Et il disparut du côté opposé à la bataille. Où allait-il ? nous le verrons bientôt.

Les naturels s’étaient approchés de nous en hurlant. Celui qui les conduisait montait un cheval fougueux ; dont la robe était d’un rouge vif. La crinière et la queue voltigeaient dans l’air comme les banderoles d’un mât. On aurait dit qu’il avait du feu dans les naseaux et des ailes aux jarrets. Son cavalier s’avança seul sur nous, déchargea son pistolet, jeta sa lance à la tête d’un matelot, cria contre les siens qui n’osaient avancer, se rejeta dans la rivière, sans que je pusse une seule fois tirer sur lui, et cependant je le tenais depuis longtemps au bout de ma carabine. Autant aurait valu viser une mouette ou une hirondelle balancée par les vagues !

Notre position était si avantageuse que, malgré tous leurs efforts, les natifs ne purent nous en débusquer. Notre feu était si bien