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rabamor.

dre avec rage en faisant voler autour de lui les herbes et les bambous, puis faire un bond désespéré. En un clin d’œil il renversa deux de nos matelots et un malheureux Malais dont il broya la tête d’une seule étreinte de ses terribles mâchoires. C’était son dernier effort. Il retomba aussitôt percé de plusieurs balles.

Quant à l’éléphant, il ne s’occupait ni du tigre ni de nous, il ne regardait que le corps inanimé de son guide ; mais quand il tourna la tête et qu’il vit le tigre mort, il poussa un cri de sauvage triomphe. Puis, ne pouvant venger son ami, il baissa sa trompe et ses oreilles, et ses petits yeux humides ne quittèrent plus le cadavre du Malais.

Le retour de cette chasse fut aussi long que triste : nous rentrâmes à notre corvette, où le capitaine nous apprit que dans peu de jours nous quitterions ces parages, — dès que nous aurons fait notre provision d’eau, ajouta-t-il.

Derrière l’île où nous étions ancrés en était une autre dont les naturels nous avaient toujours témoigné une méfiance instinctive, mais là était l’eau douce, il fallait se mettre bien avec eux. C’est pourquoi nous y débarquâmes en nombre et bien armés. Dès le premier jour, il y eut rixe et mort d’homme. Deux naturels furent tués et d’autres blessés. Comme sur terre il n’est pas possible de se faire obéir des matelots, — je le sais par moi-même ! — le capitaine vint avec nous afin d’obtenir une réconciliation avec les natifs dont l’inimitié, en se prolongeant, eût pu nous causer grande perte de temps, d’hommes et de provisions. La réconciliation fut complète et, pour la sceller, le chef du village nous invita pour le lendemain à une grande chasse aux daims et aux sangliers.

Se fiant très-peu aux doucereuses protestations d’amitié des insulaires et de leur chef, le capitaine me recommanda de prendre quatorze hommes parfaitement bien armés et équipés. Nous