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rabamor.

leur base on voyait une excavation ombragée par des arbres de bétel aux troncs droits et à l’écorce argentée. Derrière et à perte de vue les jungles impénétrables laissaient passer la cime des cactus, des acacias et des bambous.

Nous allions nous retirer quand sous le buisson qui nous abritait apparut en sifflant la tête hideuse d’un serpent noir. Le Rouget poussa un cri de terreur et, pendant qu’avec la baguette de mon fusil prestement retirée je coupais en deux le reptile, le Jungle Admée se retournait, nous apercevait, et balançant sa formidable massue, se dirigeait à grands pas sur nous.

La massue voltigeait au-dessus de la tête du vieux scélérat ; son regard était effrayant, sa mâchoire claquait de rage. Nous nous sentîmes perdus.

Le Rouget esquiva le premier coup. La massue en retombant brisa un arbre à côté de lui et s’embarrassa dans le feuillage. J’en profitai pour viser l’Admée à la poitrine et lui loger tout le contenu de mon arme dans le corps. Il fit un bond effrayant et tomba sur moi comme une masse. Le Rouget par derrière le traversa de part en part avec sa lance au moment où les longs bras du monstre cherchaient à m’étrangler. Je n’eus pas de peine à me débarrasser de son étreinte et, en me relevant, je pus constater sa mort. Il était temps, car il paraît que leur agonie est terrible. Seulement l’arbre en tombant avait écrasé le pied du Rouget. Il souffrait comme un damné. Je le pris dans mes bras et le portai jusqu’à la hutte de l’orang-outang. L’intérieur ressemblait à celle des habitations de l’île. Seulement il était plus propre.

J’étais très-inquiet, car je ne pouvais abandonner le Rouget et je me croyais loin du rivage, mais je fus tout surpris d’entendre des voix qui nous appelaient. Notre canot était de retour, et nous nous trouvions tout près de la mer.

Une autre fois nous courûmes un plus grand danger. Avant